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Des personnes intéressantes j’en rencontre dans cette maison d’hôtes du Berry, où le mot “de passage” revient en boucle. Un abord sympathique, une allure décontractée, une vraie écoute, et puis les mots s’enchaînent, les images se cristallisent au gré des minutes. Des connaissances communes, un univers de projets où la passion et le rire sont indissociables. Voilà à peine 3 jours que Stéfane France a quitté son poste chez Orange (Directeur TV International ) pour s’envoler vers d’autres cieux vers le monde de la photo argentique. Devenu un électron libre il va distiller tout son talent et son savoir faire.
JETEZ UN COUP ŒIL A CETTE VIDÉO
Plein de fougue et de véhémence Stéfane France me parle de ce nouvel univers dans lequel il me plonge avec délice. Des photographes j’en connais, en
veux tu en voilà, mais cette fois je reste coi devant ces clichés et aussi devant le travail de préparation que nécessite les prises de vue en argentique. Il ne faut surtout pas rater car là se situe toute la difficulté de ce travail à l’ancienne. Dans la foulée il me montre des photos de mineurs ( les gueules noires) aux visages burinés; et au travers de ces clichés aux ombres douces et pleines d’émotion, on peut ressentir toute l’humanité de ce monde disparu à jamais.
J’ai été sidéré par son matériel, des appareils photo d’un autre âge, volumineux, rutilants, impressionnants mais magiques. Le talent, la minutie sont ici des qualités indispensables et cet exercice particulier ne laisse aucune place à l’amateurisme. A ce moment précis mon esprit vagabondait et je pensai à nos petits Lumix numériques, clic clac merci Kodak, à notre logiciel image préféré, Photo Shop , qui nous donnent toujours l’illusion d’être des artistes de haut vol.
Stéfane France est plein de projets, “on ne va jamais aussi loin que lorsqu’on ne sait pas où l’on va”, me déclare t- il. Je suis totalement d’accord!
Ayant travaillé à Canal+ et aussi i Télé , Stéfane France eut la soudaine envie de “se payer le portrait” (hi, hi …) de tous les journalistes qu’il connait ou a connu. Cette idée a éclaté comme un rire dans un monde morose où l’oubli résonne comme un leitmotiv ; grâce à notre ami commun Face Book tous les journalistes ont répondu présent. Encore un projet qui roule pour Stéfane France le photographe de l’émotion qui vit passionnément chacune de ses photos.
QUI EST STEFANE FRANCE?
Stéfane France, né en 1954 à Valenciennes dans le Nord de la France, est homme de télévision et photographe. Parallèlement à sa carrière professionnelle à Canal+ puis à Orange, Stéfane France n’a jamais cessé de vivre sa passion pour la photographie. Un de ses premiers projets concernait les mineurs d’étain, de la mine SIGLO XX en Bolivie.
Travaillant à titre professionnel sur la vidéo et le numérique, il continue imperturbablement à privilégier le film noir et blanc pour son travail photographique.
Il travaille principalement au Leica M3 avec un objectif Summicroon 50mm pour ses photos de rue, et à la chambre de grand format Sinar P2 (20×25) pour ses portraits. Il procède lui-même au tirage des épreuves argentiques.
La réalisation de la série Femmes et Hommes de Canal+ au XXe siècle a constitue pour lui un tournant important de son travail photographique. Tous ces portraits ont été réalisés dans son atelier situé dans le 20ème arrondissement de Paris. Cette série a fait l’objet d’une première exposition de 190 portraits argentiques 40×50 au Bastille Design Center début septembre 2015 et d’un livre de 232 pages disponibles sur Amazon (http://amzn.to/1NGXdC7 ).
Femmes et Hommes de Canal+ au XXe siècle (Philippe Kieffer)
Une prochaine exposition “Génération iTélé” qui regroupe 240 portraits de Femmes et Hommes ayant travaillé à iTélé du 4 novembre 1999 au 27 février 2017.
Tout semble avoir été dit de l’extraordinaire aventure audiovisuelle que fut Canal+. Tout semble avoir été écrit des conditions romanesques de sa naissance, de l’inventivité et du rayonnement de ses programmes, de sa prospérité dans le paysage français, puis de sa diffusion à travers l’Europe et au-delà, de l’opulence de ses fêtes… Tout paraît avoir été filmé, raconté, disséqué, puis commenté à l’envi,de l’obstination légendaire des fondateurs dans l’adversité, de l’émergence de ses célébrités, des grandes heures d’une chaîne conquérante comme des moments plus difficiles… Tout, sauf ce qui constitue sans doute le socle invisible, la discrète architecture et l’une des plus profondes raisons de ce succès: la constitution initiale et le renouvellement progressif, au fil des ans, d’une équipe exceptionnelle. On le savait, on s’en doutait – les réussites naissant rarement d’équipes médiocres – mais c’est le mérite et l’originalité du travail de Stéfane France que d’en offrir la démonstration par une singulière, expressive et narrative, attachante et pour tout dire miraculeuse, galerie de portraits. Singulière, tout d’abord, par l’audace décalée, d’une autre époque, presque «rétro», de l’initiative. Sans doute n’imaginait-il pas lui même où le conduirait le désir premier de donner à voir quelques-uns de ceux qui furent les «Femmes et les Hommes de Canal+au XXe siècle ». Trois ans, deux volumes, et près de cinq cents portraits plus tard, cette entreprise un peu folle apparaît pour ce qu’elle est: une somme photographique monumentale et passionnante en ce qu’elle dit et retrace d’un parcours humain, d’une équipée professionnelle, et de laréalisation d’un projet qui fut commun à tous. Somme d’autant plus expressive que muette, soumise à la règle quasi religieuse d’une identité de fond comme de cadre, à l’observance d’une absolue équité de traitement, quels que furent le rang, le poste ou la notoriété de chacun des héros. Fresque narrative d’un passé partagé. Récit sans commentaire autre — mais de quelle intensité, de quelle vitalité! – que le flux des regards, le continuum des poses, la superbe fluidité du noir et blanc. L’impression qui domine, pour qui pénètre ce récit écrit au moyen du seul alphabet des visages, de la grammaire des regards, c’est celle, soudain révélée, d’une parenté jusqu’alors méconnue entre tous les participants. Le tout formant tableau d’une généalogie ramifiée. Celui d’une prodigieuse famille, mot qui pour le coup ne serait pas un banal «cliché». Et c’est en cela que la démarche du photographe, accompagnée de la somme de ses productions réunies ici, se montre irrésistiblement attachante. Ni mausolée pour idoles du petit écran, ni musée des métiers et programmes d’une télévision à péage, tous ces portraits concourent à l’élaboration d’une œuvre unique. Ils s’agencent et se répondent comme les maillons de la chaîne qui fut et reste la leur. Le grand mérite de cette entreprise, c’est de ne jamais chercher à jouer des ressorts du passéisme, des artifices de la nostalgie d’un petit écran qui ne serait plus ce qu’il a été, moins encore de la mélancolie. Tout au contraire. Pertinent et majestueux hommage de l’image fixe à la plus créative et vibrionnante des chaînes de télévision, «Femmes et Hommes de Canal+au XXe siècle » tient du journal intime d’une épopée révolue, mais sans regret aucun. En rassemblant tous les métiers, tous les talents, toutes les générations, toutes les corporations – au sens positif et presque médiéval du terme – ces portraits construisent, exposent et clôturent, une histoire qui demeure sans équivalent dans les médias. L’ensemble tient du vitrail ou du porche de cathédrale relatant aussi bien la saga des pères fondateurs que la gouaille, la séduction, les talents et le savoir-faire de tous les artisans qui contribuèrent à l’édification de Canal+. Dirigeants, animateurs et journalistes, électriciens et maquilleuses, secrétaires ou cameramen, tous sont «saisis», captés et immortalisés dans la trame d’une fiction vraie, les plis d’un documentaire iconographique. Tous délivrent un fragment du message collectif le plus simple et le plus épuré qui soit: «Voilà, c’était Canal+», nous disent-ils. En témoins parfois comme étonnés ou amusés d’avoir vécu pareil périple. Ils expriment, ils remémorent, ils font revivre Canal+; tout en signifiant, par leur présence, que cette page se referme. Fresque doublement miraculeuse, enfin, car tous conscients, et c’est ce qui génère la précieuse valeur de ce travail, que semblable parcours commun ne se reproduira jamais. Tout comme ne se représentera sans doute jamais l’opportunité de poser, ensemble, l’un après l’autre, devant l’objectif d’un livre qui les réunirait à nouveau. En face de l’énigmatique appareil d’un artiste qui aura su, d’un même mouvement du cœur et d’un même dispositif technique, à la fois capturer leur image et libérer de la somme de toutes celles-ci une mémoire inédite et généreuse de Canal+. Une histoire sans considération d’échelle sociale, de fortune ou de célébrité, mais riche de la trame des regards et des liens tissés par le temps. Une histoire où se lit également toute l’étendue, pas moins miraculeuse elle aussi, de la confiance accordée par ces Femmes et Hommes de Canal+ à celui qui les surprend dans la mystérieuse magie de son art. A l’auteur paradoxalement absent et omniprésent de tous ces portraits. Car, sa modestie devrait-elle en souffrir (puis s’en remettre), l’ultime secret de cette somme étonnante porte un nom. Il fallait à ce récit en images un œil et une plume de portraitiste exigeant, un bénédictin de chambre noire ardent, un maître du temps de pose et un alchimiste de la révélation argentique. Qui n’a pas vu Stéfane France s’affairer minutieusement dans son atelier, qui ne l’a pas entendu expliquer préparatifs et préparations, commenter dispositifs et procédés à l’œuvre pour chaque prise de vue ne peut comprendre ce qu’est l’amour de la photographie. Pas plus qu’entrevoir l’immensité de la tâche accomplie et offerte dans les pages qui suivent.
Philippe Kieffer